La Mémoire du Bois – Claude Seignolle

Malloye était mon copain de ce temps à pantalons de velours côtelés et à cafés-crèmes, que chaque artiste honore momentanément ou à vie.

Bienheureux d’une euphorique trentaine, nous ne doutions pas alors de pouvoir retenir à pleines mains les quatre fougueuses pattes du génie convoité : Malloye celui de la sculpture ; moi, de l’art dramatique.

Mais, de nous deux, ce fut Malloye qui, douce brute, eut la poigne la plus solide pour garder les pantalons de velours. Je m’engageai dans l’anonyme légion des journalistes-à-tout-dire, satisfait à la longue du nid de phrases creuses que je fis à mon nom.

Pour subsister sans mendier, Malloye, opportun, sut d’abord prendre le vent des goûts du moment et gagner plus que d’envie en taillant du sous-Un-tel ou du presque-Tel-autre en vogue, que lui achetaient à yeux fermés des Américains gobeurs de toutes œuvres d’art à la mode.

Il aurait vendu une traverse de voie ferrée, vernie et baptisée « Adam au supplice ».

Son atelier de la rue Mazarine était à la fois un entrepôt d’objets au rebus et la chapelle-à-boire pour tous les traîne-ciseaux de Saint-Germain-des-Prés, Malloye bon garçon, généreux comme le soleil en juin.

Mais, heureusement pour l’Art, il y eut soudain Esther.

Pas belle, la fille ! Sans âge, maigre jusqu’à l’os, blond filasse sur un visage farineux, une coriace haleine d’humus mouillé et, avec ça, toujours ironique, jamais copine avec d’autres que Malloye, comme d’une proie, lui qui trouvait à l’épouvantail un fascinant charme cruel.

Elle débarquait tout juste de quelque Lithuanie, ou je ne sais quelle autre Russie et, guidée par de mystérieuses intuitions slaves, sut d’abord le détourner de l’argent facile — ce qui, pour elle-même ne devait pas l’être —; puis, peu à peu, lui passer les menottes de la création personnelle, comptant sur l’amour pour en adoucir les douleurs.

Esther visa juste. Malloye, qui avait une secrète âme de croque-mort, se fossoya une place en plein expressionnisme nécrophage.

Jugeant l’air et le cadre de la rue Mazarine trop pur et trop clair, il loua place Dauphine un rez-de-chaussée pourvu d’une vaste cave profonde, voûtée de plusieurs siècles, où il enfouit son atelier, lui avec.

Je n’eus pas tout de suite accès à l’antre-à-Malloye. Esther veillant, impitoyable telle une porte-clefs de la Tour de Londres, sur la réclusion créatrice de son époux d’enseveli, car, oncques ne le voyait plus hors de là.

Parfois, elle consentait à m’offrir une amère liqueur de politesse forcée, mais nous n’en restions pas moins seuls, debout face à face dans leur studio du rez-de-chaussée réservé à la cuisine et au lit ; elle, à dire à tout bout de champ le mot qui congédie ; moi, celui qui aide à rester et gagne du temps. Cela sans que jamais je ne parvienne à atteindre la minute espérée où Malloye surgirait des Enfers ; lui, là-dessous peut être cadavre, égorgé depuis des semaines par cette femelle frisant le moribondage et goulue d’un mort pour elle seule.

Et cette stupide pensée aurait pu sérieusement prendre corps, tant la garce finissait par m’en donner l’impression avec son allure raide, fermant un œil tel un rapace fatigué tout d’un côté, si, un jour, l’ayant sensibilisée par ma tenace amitié — ou y trouvant son intérêt ? — elle ne m’avait enfin autorisé à descendre chez le génie es-Ténèbres.

… Mais de quel regard canaille elle m’accompagna !

Dans le sombre, je tâtais à semelle hésitante les hautes marches de pierre épaisse et j’arrivai en plein au-delà… Des bougies soignaient un climat équivoque, et une sourde musique d’orgue envoyait des bouffées d’enterrement. Ajoutez une soûlante odeur de suif en pleurs et une nauséeuse senteur de bois vermoulu.

Pourtant ce climat de deuil fut bien plus joyeux que la grimace qu’eut Malloye en m’apercevant !

Elle ne me laissa aucun doute : j’étais importun. Esther me l’avait vraiment transformé !

Après un mauvais grognement, je crus qu’il allait bondir et me mordre à la chien méchant.

Mais, en regardant autour de moi, je fus encore plus saisi et bouleversé par l’effroyable compagnie de Malloye. Le souffle me resta un long moment à mi-gorge, en boule douloureuse.

Battues par les vagues de la lumière douteuse qui coulait d’un peu partout avec des répits, telles les pulsations blêmes d’un foyer dispersé, jaillissaient et disparaissaient de longues planches sombres, sculptées ; relief en plein bois, précis et réaliste, étalant les pires cadavres de cauchemar : hommes et femmes en supplice statique, couchés longueur nature; détails animés par les ombres vivifiantes, çà et là rehaussés de couleurs idoines mais qui n’effaçaient pas le moisi naturel de ces horribles fresques.

Malloye avait saisi des poses d’agonies torturantes : chairs putréfiées de tons verdâtres et blanchâtres d’os apparents ; gestes envoyant des malédictions à les sentir ; visages quasi décharnés, douloureux et haineux de cris muets entre leurs mâchoires lancées en avant avec le visible besoin de donner des morsures empoisonneuses ; pourritures et ferments de pestilentes rondes bosses qui jonchaient le sol, ou grimpaient, sur d’autres planches, aux murs de cette repoussante fosse commune en décomposition figée.

Enfin, remis de la surprise qu’Esther ait pu laisser passer quelqu’un, ou, peut-être, me reconnaissant seulement ; satisfait de voir l’atterrement sincère et spontané que son œuvre secrète provoquait en moi, le compagnon estimé, Malloye se radoucit.

Il vint me prendre par le bras et, sans un mot, me guida de force entre les personnages de cette tragédie mortuaire que je frôlais avec répulsion, la peau moite et le cœur retourné.

Nous allâmes vers la coulisse de ses exploits. Là, il me montra ce que je compris et jugeai être son chef-d’œuvre.

Taillé en plein chêne, un homme jeune, vêtu d’un habit élégant destiné à paraître de salons en galas, se tendait atrocement convulsé, effroyablement expressif, mort récent encore avec ses chairs tout juste flétries. Son plastron amidonné était sauvagement arraché sur sa poitrine lacérée et hersée par ses ongles qui, m’expliqua Malloye, avaient continué à pousser aigus durant le temps de sa pseudo mort cataleptique. Celle-ci trompant les vivants, on l’avait livré à l’ensevelissement dans le ventre d’une bière cupide de son mort personnel : solide coquille d’un fruit à pourrir. Mais, revenu à un souffle normal et à la vie reprenante, l’homme, d’abord angoissé par les ténèbres, n’avait pas tout de suite compris — oh, peu de temps ! — et, soudain épouvanté jusqu’à la folie, passant par toutes les gammes de la mort, il avait usé, avec des hurlements venus de ses tripes, la bulle d’oxygène restée dans son cercueil en droit de trépassé. Les ongles d’une de ses mains étaient profondément enfoncés dans sa gorge tels des scalpels voulant l’ouvrir pour respirer par cinq bouches nouvelles. L’autre s’était brisée ongles et os au couvercle, en cherchant à le crever comme s’il n’était que le ventre d’un ballon posé là, prometteur d’air pur. Ses jambes, tendues raides, avaient couru sans répit dans une impossible fuite. Quant à son visage aux traits houleux, je chancelai de mâle fascination en voyant dans ses yeux vitreux, ravivés par

Malloye d’un féroce glacis, l’épouvantement arrivé au paroxysme où le feu de la peur sublime les chauffe à devenir des diamants qui éclaboussent les flammes crépusculaires de l’enfer des terreurs.

Tout cela était tellement ce que ce devait être, mais si rarement vu par les vivants que, là, dans cette tombe collective, je ressentis l’angoisse subite de l’enterré-vif qui va devoir se battre avec la seule arme de son vain souffle contre la mort, gagnante d’avance.

Et je suffoquai brusquement devant Malloye qui continuait à commenter son œuvre avec les mots et le sourire de la vanité satisfaite.

Je parvins à lui dire que je désirais partir et je m’éloignai aussitôt, trouvant une réconfortante allure de douceur aux autres trépassés qui, pourtant, m’avaient précédemment jeté dans l’anxiété.

Malloye me rejoignit au moment où je posais le pied sur la première marche.

—    J’espère que tu as compris d’où me venait tout cela, me dit-il, en cherchant à me retenir par le bas de ma veste.

Mais je n’éprouvais aucun désir de savoir quoi que ce fût d’autre sur son œuvre atroce.

Je montai rapidement l’escalier et je l’entendis me crier sur un ton victorieux:

—    … Maintenant Ils m’obéissent… Ils m’obéissent tous…

En me voyant sortir de la cave et traverser aussi vite que possible son studio pour partir, Esther posa à mon intention un index moqueur sur le bout de son nez.

Alors, pour la première fois, j’eus le temps de lui surprendre une toute autre teinte d’yeux : ses pupilles, habituellement vert d’eau, étaient devenues deux taches rouillées qui ressemblaient à la tête de gros clous carrés, enfoncés là comme pour la faire tenir debout contre la panoplie de notre monde qui… qui

ne devait pas être le sien.

Plusieurs nuits consécutives, je fus étouffé et roulé dans de boueux cauchemars où s’ébattaient l’un après l’autre, les personnages Malloyens. Ils m’étreignaient, me maudissaient ou me suppliaient de les délivrer de leur honteuse exposition chez ce vivant sans pitié pour leur impudique laideur d’au-delà : celle-ci n’appartenant qu’à ceux qui l’avaient payée avec le haut prix d’une agonie rageuse.

Et pourtant, Dieu sait si, dans ma profession, j’avais vu les pires écrasés ou déchiquetés, mais jamais encore de morts vivant à ce point leur mort comme ceux de Malloye !

Une brusque flambée d’actualité me sauva de cette hantise et, bien que ce fût un meurtre, j’y trouvai un dérivatif salutaire.

Qui ne se souvient de l’assassinat de Liz Palmaire ! Le plus mystérieux des crimes ; la plus belle des actrices !

On la trouva étranglée chez elle, à Auteuil, sur son lit sans qu’elle ait appelé au secours, les pupilles dilatées par une brusque et angoissante surprise. —

A vrai dire, elle était autant morte de peur que la gorge broyée.

Or, il était absolument impossible de pénétrer dans l’hôtel particulier de Liz Palmaire qui, idole, subissait les assauts inlassables de ses admirateurs ; au point que la police devait se livrer à d’incessantes rondes afin d’enlever ceux venus dormir contre sa grille pour y trouver la jouissance d’un sommeil presque partagé.

L’assassin ne pouvait être qu’un intime ; connaissant parfaitement les lieux, sinon comment aurait-il pu entrer à l’insu de dix domestiques attentifs, se relayant par équipe et se méfiant même de leur propre ombre ! Pour parvenir à la chambre de sa victime il fallait qu’il sût où passer sans risquer de se faire voir. Ce que comprit tout de suite le commissaire principal Jeandhomme, porté du jour au lendemain à l’égale célébrité de Liz Palmaire par un public qui l’encouragea à venger la perte de sa divine.

Sébastien, le plus ancien serviteur de la maison, révéla alors qu’il existait un couloir et un escalier secret partant derrière une cloison mobile de la buanderie et aboutissant au fond d’un des deux placards qui encadraient le lit où fut trouvée Liz.

La seule personne, à part lui, ayant connaissance de ce passage réservé à l’amour, était Monsieur le Marquis Marc Alexis d’Aultremont, l’ancien propriétaire de l’hôtel et premier grand protecteur de Mademoiselle Palmaire au temps où celle-ci n’était qu’une discrète élève du Conservatoire, et —

Sébastien osa l’avouer — tributaire de certains autres messieurs, tous très honorables.

Elle réussit sur les planches et dans son avenir, Monsieur le Marquis lui ayant fait la donation de ses biens ; ce qui entraîna sa ruine totale puisqu’il lui offrit non seulement l’hôtel, ses terres charentaises et normandes mais, de surcroît, perdit l’amour intéressé de Mademoiselle Liz qui trouva alors plus décent de se montrer en compagnie de jeunes et beaux garçons, d’âge plus en rapport avec le sien. Autrement dit, elle l’envoya au diable des amants naïfs et imprévoyants.

En apprenant cela, Jeandhomme crut tenir son coupable ; le motif était évident : vengeance d’abandonné fort de sa connaissance d’un passage secret. Il fit ouvrir l’entrée confidentielle. On releva dans la poussière ancienne, de fraîches empreintes de pas. Ce n’était pas celles de Sébastien qui fut également mis hors de cause par ses collègues avec lesquels il avait manillé pendant l’agression. Ce ne pouvait être que le Marquis revenu.

Aussi le commissaire principal s’apprêtait- il à signer un mandat d’arrêt contre Marc Alexis d’Aultremont ; mais ce fut lui qui s’arrêta avant ! On savait officiellement que le Marquis, désespéré, s’était tiré une balle dans la tête voici cinq ans en forêt de Fontainebleau… Maintenant il appartenait à la terre des pauvres du cimetière de Milly-la-Forêt !

A partir de là ce fut le grand jeu habituel : dix suspects utiles à nourrir l’attente du public, ainsi que l’appétit des journaux, furent tour à tour arrêtés et relâchés après avoir laissé traîner l’espoir qu’ils étaient coupables.

Enfin, on pleura moins sur Liz Palmaire et Rêva Smyrne commença à faire parler de ses jambes, puis de son talent… Mais, c’est la vie !

Ces événements avaient réussi à me faire oublier Malloye et sa ménagerie de sculptures macabres, lorsque je reçus ce billet de lui : … Viens vite, il faut que je t’explique… Toi seul peut m’aider… Attention, méfie-toi d’Esther…

Ces simples phrases faillirent me vitrioler les yeux. En un instant, je plongeai par l’esprit dans l’œuvre repoussante et me sentis un suaire humide à même la peau.

Non, je ne voulais plus retourner là-bas. Et puis, le dernier regard d’Esther m’était resté aussi pénible qu’une extrême-onction.

Mais je ne pouvais le voir que là, … Alors ?

Alors, le lendemain matin, caché derrière un des arbres de la place Dauphine, j’épiai le départ d’Esther à ses courses, souhaitant que ses fournisseurs se trouvent à l’autre bout de la capitale.

La chance se fit bonne fille. Esther ne tarda pas à sortir, un panier à provision au bras. Je la vis s’éloigner vers le pont Neuf. Sans doute allait-elle aux Halles acheter en gros, Malloye ne boudant pas sur la nourriture.

Je me précipitai. La porte n’était pas fermée. J’en fus heureux et, tout à la fois, je le regrettai : j’aurais aimé être empêché d’entrer chez Malloye par Esther rien que pour me trouver quitte avec ma conscience de saint-bernard. Mais le sort en était jeté ! La main sur le cœur, je descendis dans la fosse.

Il m’accueillit tout de suite avec les affectueux élans d’autrefois, si bien que, réconforté, le décor me parut moins hostile.

Je dévisageai le retrousseur de linceul : Ah çà ! depuis ma dernière visite, il avait sérieusement maigri et son visage hâve avouait qu’un tourment le ruinait. Qui ou quoi pouvait bouleverser et détruire à ce point un tel insensible à la souffrance et à l’horrible ?

Il me prit aux poignets et me les serra violemment, comme pour mieux me faire comprendre par la douleur ce qu’il me hurla d’une voix encore plus désespérée que les lieux :

— …A présent, c’est moi qui dois leur obéir… Je suis perdu… Un, déjà, m’a contraint à… Et j’y suis allé… C’est épouvantable… Maintenant les autres veulent leur tour…

S’arrêtant, il me lâcha et détourna la tête pour geindre sur Dieu qu’il n’avait jamais voulu cela… C’était Esther… elle qui…

Comprenant que je le dominais par le seul fait de sa culpabilité inavouée, j’exigeai qu’il s’expliquât : toutes ces phrases amorcées, et bien que restées sans queue, fouettaient ma curiosité.

Il m’apprit alors qu’il taillait ses sujets, non dans du bois ordinaire, mais à même de véritables planches de cercueil qu’Esther allait chercher dans des cimetières parisiens ou des environs, soudoyant les fossoyeurs, ne regardant pas à l’argent pour obtenir les meilleurs bois : ceux qu’elle désirait particulièrement, sans donner ses raisons… Elle s’y prenait si bien que les ensevelisseurs se coupaient en quatre pour lui fournir ce qu’elle désirait, quitte à creuser pendant la nuit et basculer à même la terre les débris humains, pour avoir leur caisse vide qu’elle faisait alors rapporter jusque-là, déclouée et remise en planches anonymes, par des transporteurs indifférents à ces marchandises mais heureux du bon pourboire et du coup de rouge qu’elle leur offrait sans lésiner.

Alors lui, Malloye, les descendait dans sa cave et, les posant l’une après l’autre sur des tréteaux, il les tâtait, les humait et créait le climat musical propre à chacune pour faciliter la révélation de la silhouette du défunt qui s’y était empreinte au moment de son horreur optima.

Lorsqu’il trouvait un sujet favorable à cette révélation, il entrait aussitôt en transes : ses gestes se faisaient d’eux-mêmes, guidés par un visage ; là, les contours d’un bras ; ailleurs la forme d’une jambe…

Ainsi, peu à peu, aidé par la lumière frisante des bougies disposées à cet effet, il trouvait les détails exacts des traits et attitudes ; faisant resurgir des cadavres comme photographiés par les parois de leur cercueil, lui medium de la mémoire du bois.

Il avait ressenti ce don dès sa première rencontre avec Esther qui, nous le savions, l’obligea aussitôt à ne plus se gaspiller dans le faux art. D’ailleurs, de son côté, Esther possédait la faculté de découvrir les cercueils contenant les morts les plus effrayants puisqu’il n’apparaissait sous le ciseau de Malloye que des êtres torturés par la haine ou la peur.

Mais, à la longue, ces sujets d’abord dociles, qui s’étaient laissé dévoiler ainsi par un maître du post mortem, l’avaient à leur tour pénétré de leur volonté apparemment inerte mais agissante… Certaines commençaient à exiger, et, récemment, l’un d’eux avait réussi à le mettre en état d’hypnose, l’obligeant à faire comme il désirait qu’il fît à sa place…

Oui, Malloye, obéissant et comme porté, était allé malgré lui à un certain endroit. Il ne se rappelait plus du tout où ; mais, là, il avait accompli une certaine chose terrible dont il se souvenait nettement… Et, il regarda avec honte ses deux énormes mains aux gros doigts écartés…

Suant à grosses gouttes, tremblant, il me montra alors, posé debout contre un mur, le relief d’un squelette intégral badigeonné d’une épaisse couche de peinture blanche, grumeleuse, qui lui redonnait du calcaire, et me fit comprendre que c’était celui auquel il avait obéi.

Troublé, je m’approchai. La face et les maxillaires avaient un sourire de crâne satisfait. Je regardai de plus près : un trou rond et net crevait le temporal.

—    C’est lui le vrai coupable… jura soudain Malloye en donnant un violent coup de pied qui retourna la planche face à terre, sa place normale.

Une plaque de métal galvanisé, rongée par la terre, y était encore fixée. Des lettres frappées au poinçon s’y distinguaient. Je me penchai et lus :

Marc Alexis décédé

Je revis aussitôt Liz Palmaire étranglée, et, l’esprit éclairé, je crus tout comprendre :

—    Alors, c’est toi ! m’écriai-je… c’était toi ! Et Malloye baissa la tête.

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